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Les tacles du Connemara ou Label et la bête


Nous savions que le chanteur Michel Sardou avait des opinions politiques classées à droite. La belle affaire ! Tu parles d’un scoop Coco ! Mais voilà qu’au cœur de l’été, une certaine Juliette Armanet effectue dans le domaine aride de la science politique, une percée conceptuelle remarquable : l’artiste assène coram populo un avis définitif sur la chanson « Les lacs du Connemara » qui aurait « un coté scout, sectaire, une musique immonde ; c’est de droite. Rien ne va ! ».


Hourvari dans le microcosme média-politique qui délaisse promptement l’agression militaire russe contre l’Ukraine pour s’emparer du sujet. D’autant que grâce à ce clash peu banal on réussissait enfin à étiqueter politiquement la chanson « Les lacs du Connemara » ! Jusqu’à présent, les travaux des chercheurs de la rue Saint Guillaume s’étaient bornés à suggérer que « l’Internationale » était plutôt de gauche tandis que « Maréchal nous voilà ! » avait tendance à pencher vers la droite. Merci Juliette, grâce à vous on y voit désormais beaucoup plus loin !


Plus sérieusement, avec une telle sortie on a envie vous de dire : « Mauvaise pioche, madame Armanet ! ». Confondre à ce point studio d’enregistrement et isoloir, partition et bulletin de vote, Victoires de la musique et profession de foi ! Quelle bêtise insigne ! Quelle méconnaissance des ressorts et des aspirations populaires ! Cette réaction stupidement pavlovienne risque en effet de désorienter une partie de votre propre public qui aurait le tort d’aimer également fredonner, comme leurs parents, du Sardou sans pour autant avoir partie liée avec le grand capital !


En vérité, la déclaration au lance flamme de Juliette Armanet est, hélas, emblématique d’une génération qui souffre d’un grave déficit d’éducation politique et de tolérance citoyenne. Ces carences dont la jeunesse n’est pas la seule responsable, sont compensées par des jugements manichéens, débités à l’emporte-pièce. Sans tomber dans l’insupportable « c’était mieux avant », rappelons-nous une période pas si éloignée que ça où le collègue - gaulliste notoire - était un inconditionnel de Jean Ferrat, où le syndicaliste de la CGT allait guincher le samedi soir au son des « bals populaires » de Sardou et où Johnny Hallyday - soutien notoire de Valéry Giscard d’Estaing - était la vedette musicale de la fête de l’Huma !


Voyez-vous madame Armanet, la France c’est aussi cela ! Ce sont ces vraies-fausses contradictions qui font le charme et le génie d’un peuple qui aime par-dessus tout sa liberté de penser… et de chanter !


Alain Camilleri



Photo Greg Montani sur Pixabay

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